26 avril 2011

Encadrer le prix des loyers, la fausse bonne idée

Il y a quelques temps, j'ai promis à mes étudiants de première année d'illustrer un peu l'actualité avec notre modèle offre-demande. Le débat actuel sur la hausse des prix des logements et la solution proposée de fixer un prix plafond à la re-location m'en donne l'opportunité.

Primo, c'est vrai les prix augmentent, notamment à Paris (voir insee).

Deuxio, marrons nous un peu et lisons les journalistes (ici Paul Quinio, dir de rédac à Libé):

"les propositions pour encadrer le prix des loyers méritent attention. Chacun sait que le logement fait partie des préoccupations majeures des Français, notamment des plus modestes d’entre eux".

Un prix plafond permet par définition de diminuer les prix, mais cela crée un situation de pénurie, la plupart du temps ce sont justement les plus pauvres qui subissent des discriminations et n'obtiennent pas de logements.... Bref contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce sont les ménages les plus modestes qui sont les victimes de ces politiques d'encadrement des loyers (voir les études sur New-York, Genève etc).

Je verse sans aucun doute dans l'argument de l'effet pervers d'Hirschman (1991) et comme je n'aime guère être un réactionnaire je poursuis la lecture, l'auteur ajoute: "Ces efforts d’encadrement du marché doivent s’inscrire dans des politiques plus vastes d’amélioration de l’offre. Elles passent par des programmes ambitieux de construction."

Bon, ok encadrement+construction, mais alors ça devient sacrément compliqué car a) si la hausse est insuffisante, la pénurie persiste b) si elle est trop forte, le marché immobilier s'effondre c) si la demande varie, l'État doit à nouveau intervenir pour ajuster offre et demande...

Plus fondamentalement, si on peut faire bouger l'offre pourquoi faudrait-il encadrer les loyers? En effet la seule intervention de l'État consistant a augmenter le nombre de logement résout le problème, puisqu'elle permettrait une diminution des prix. Bref inutile d'aller chercher midi à 14h, la construction de logement est la vraie solution.

F. Candau

ps: l'analyse présentée ici est celle de tous les bouquins d'intro à l'économie. Ceci dit, pour nuancer la chose (et pour donner partiellement raison aux journalistes), en concurrence imparfaite un contrôle des loyers peut se justifier (voir les travaux d'Arnott) MAIS dans les faits les études empiriques n'ont à ma connaissance jamais montré des effets économiques positifs.

Hirschman A. (1991). Deux siècles de rhétorique réactionnaire. Fayard.

8 commentaires:

  1. Merci pour ce rappel des cours d'économie de base que nos dirigeants ont malheureusement oublié.
    Comme diraient certains, 2+2 = 5 en France...

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  2. Anonyme4/26/2011

    Ceux qui sont favorables à un encadrement des prix des loyers le sont, me semble-t-il, dans une logique de court/moyen terme. Une augmentation suffisante du nombre de logements pour diminuer les prix prends du temps; l'encadrement des loyers ne peut-il pas alors être une solution de court terme?

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  3. Est-il possible de nous indiquer un lien vers les études sur le marché de Londres et de Genève ?

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  4. Bonjour,

    "Un prix planfond permet par definition de diminuer les prix, mais cela crée un situation de pénurie" Pourquoi ?

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  5. @zeyesnidzeno: la confrontation de l'offre et la demande sur un marché sans intervention détermine le prix d'équilibre. A partir du moment où une intervention extérieure au marché impacte le prix, celà implique soit une situation de pénurie, soit une situation de surproduction.
    Dans le cas du prix plafond, le gouvernement impose un prix plus bas sur le marché donc:
    - la demande pour les biens immobiliers s'élève (puisque la demande dépend négativement du prix)
    - l'offre se rétracte (puisqu'elle dépend positivement du prix). La demande est donc plus forte que d'offre de logement pour ce prix plafond = pénurie

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  6. Lugat Vincent4/26/2011

    Réponse à zeyesnidzeno. Le prix exigé (prix plafond) est au dessous du prix d'équilibre (le but est la baisse des loyers). La quantité exigée devient supérieure à la quantité disponible (le bien est plus attractif car moins cher). D > O = pénurie. Le marché n'est pas à son optimum et le retour à l’équilibre ne peut pas se faire par les prix comme celui-ci est fixé donc l'état de pénurie persiste. Ce raisonnement est valable sous l'hypothèse qu'il n'y a pas une augmentation de l'offre ( pas de nouvelles constructions).

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  7. Merci à tous pour les commentaires.
    @Fabrice_BM: Je ne retrouve pas l'étude sur Londres, j'ai donc viré l'allusion, il me semble que j'avais lu cela chez Arnott qui expliquait qu'au sortir de la guerre bcp de pays, dont nos voisins anglais, avaient instauré des prix plafonds, qu'ils ont modifié voire supprimés depuis compte tenu des effets néfastes. Sur New-York, il y a eu par contre bcp d'étude, voir par exemple Glaeser et Luttmer: http://socserv.socsci.mcmaster.ca/bjerk/PublicPapers/GlaeserLuttmer03.pdf
    pour Genève c'est un ami Genèvois spécialiste d'éco urbaine qui m'en a parlé (je cherche des refs et je les postes le plus vite possible)

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  8. N'est-il pas possible que la hausse des prix immobiliers soit un phénomène de bulle: nous consentons à acheter un appartement cher car nous anticipons que nous le vendrons plus cher, sa valeur se déconnecte de la valeur fondamentale qu'il nous apporte comme logement?

    Dans ce cas n'est-il pas envisageable de mettre en place des règles pour "dépressuriser" le marché?

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